« Le design d’un magasin doit raconter une histoire singulière, cohérente et mémorisable »
Dan Otmezguine, directeur général associé du cabinet de conseil et création Stories designed for consumers, décrypte les bonnes pratiques de design d’un point de vente, pour une expérience client réussie.

Pour commencer… Quel rôle joue le design d’une boutique sur l’expérience client ?
Le design d’un magasin est un des leviers majeurs d’une bonne expérience client. Et pour qu’elle soit réussie, elle doit trouver son juste équilibre entre des codes rationnels et d’autres plus émotionnels. En matière de retail design, il y a des « checkpoints » à respecter pour optimiser le parcours client. Un peu comme un flipper, il doit y avoir des « bumpers » placés au bon endroit pour orienter le client. Subtilement, il doit être pris par la main et s’inscrire dans une promenade pour vivre un parcours de découverte.
Des enseignes comme Flying Tiger, ou Normal , l’ont bien compris : le client s’engage dans un circuit-labyrinthe qui l’amène à découvrir, comme dans une exposition, différents univers.
Hormis le rationnel, il y a aussi l’émotionnel, c’est-à-dire ce que la marque, à travers le magasin, veut laisser pour mémoire. Un exemple très représentatif pour moi, est la marque Under Armour. Ses points de vente, comme sa communication, font référence à l’imaginaire de la performance et du dépassement de soi grâce à une cohérence globale de tout son univers : de son logo au merchandising en magasin, en passant par les silhouettes athlétiques de ses mannequins. En endossant ces vêtements, vous faites beaucoup plus que du sport, vous revêtez (presque) le costume de Batman !
Pourriez-vous nous présenter l’agence Stories design ?
Stories design est un cabinet de stratégie retail opérationnelle, qui déploie une triple activité de stratégie de marque, design et activation. Nous travaillons pour tous les secteurs d’activité, en France comme à l’international.
L’agence a été créée il y a 17 ans par Xavier Laforge, un architecte doté d’une double casquette créative et conseil stratégique, que j’ai rapidement rejoint comme associé. Dès le départ, nous n’avons pas voulu nous cantonner à l’aspect créatif. Notre conviction ? Le conseil stratégique est un point de passage obligé du retail. Chaque marque a une histoire différente à raconter. Le design des magasins sert à la révéler et la partager avec les consommateurs
Si l’on vous demande de résumer en trois mots un bon design de magasin ?
Celui-ci doit raconter l’histoire de la marque, de manière singulière, cohérente et radicale. On a dépassé l’effet « Waouh ». Le design doit nourrir la marque. Pour l’espace Weleda « Champs-Élysées », nous avons demandé à un artisan, meilleur ouvrier de France, de fabriquer un spectaculaire Cocon en vannerie. C’est très beau, apaisant et parfaitement cohérent avec la promesse de la marque de bien-être global au quotidien.
Enfin, il faut que le design traduise un véritable parti pris « radical ». Pour qu’un point de vente devienne une destination, le client doit avoir l’impression qu’il y trouvera quelque chose qu’il n’y a pas ailleurs. La bonne question à se poser pour une marque, c’est : « si je disparais, qu’est-ce qui manquera au marché ? ».

Auriez-vous un exemple emblématique de boutique sur laquelle vous avez travaillé ?
Nous sommes par exemple à l’origine du concept d’Undiz Machine co-créée avec les équipes de l’enseigne. L’objectif était de réduire la surface de 50 %, en maintenant le même chiffre d’affaires au m2. Nous y sommes parvenus en créant un concept dit phygital. Le client sélectionne ses produits sur écran et sa commande lui parvient quelques minutes après de la réserve au travers de tubes propulsant la capsule produit souhaitée. C’est un exemple intéressant, car nous avons fait la preuve que l’on pouvait réduire la surface commerciale sans impact sur le chiffre d’affaires, ce qui est un vrai sujet aujourd’hui pour les enseignes.

Quelles sont les grandes tendances émergentes ?
Pour que le point de vente s’impose comme une destination, il faut remettre dans les magasins de la relation, de l’empathie, de la considération, des raisons de venir… Les magasins n’ont plus besoin de présenter l’exhaustivité de l’offre, car le catalogue est devenu l’affaire du digital. Il faut libérer des m2 pour proposer aux clients une expérience nouvelle : se restaurer dans une brasserie au sein-même d’un hypermarché, customiser leurs produits pour les rendre unique (Desigual), prendre des cours de cuisine avec un chef, ou participer à des ateliers bricolage comme chez Leroy Merlin. Il existe aussi une nouvelle tendance de fond en Asie à ne pas négliger qui est le 3-en-1. L’enseigne ABC cooking en est l’exemple parfait : en une heure, les clients apprennent à faire un plat, se restaurent et sociabilisent et repartent chez eux avec leur repas. Ce qui est intéressant, c’est de proposer plusieurs briques de valeur ajoutée à la fois : « se détendre, se nourrir, apprendre des choses, rencontrer d’autres personnes et tout cela sans perdre de temps ».
Certaines enseignes misent également sur le renouvellement fréquent de l’offre…
Effectivement. A New York, le concept store Story fonctionne un peu comme une galerie : il change de thématique produits tous les trois mois (pour donner des exemples de thèmes, on trouve aussi bien « have fun », que « feel good », « disrupt » ou « remember when ») et ferme durant trois semaines entre deux installations.